
Les formateurs, ces êtres étranges semblant venir d'une autre planète…
Ces être bizarres, semblant parfois venir d’ailleurs, exercent en effet une activité bien particulière qui les amène à être constamment au four et au moulin, avec de nombreux objectifs à atteindre en parallèle, tout en se trouvant en perpétuelle représentation, et en travaillant le plus souvent pour ainsi dire « sans filet » face à leur public, avec en prime l'obligation d'improviser sans cesse pour gérer les impondérables les plus inattendus, si l'on peut dire… Qu'il vous suffise de lire (ou de relire) un de nos derniers billets : Le jour où deux participantes à une formation m’ont surpris… en slip !
Et quand j'écrivais "face à leur public"… il faudrait plutôt dire "avec leur public", tant il est vrai qu’une session de formation digne de ce nom revêt le plus souvent l’aspect d’un véritable show interactif… Ainsi, il nous faut sans cesse garder un œil attentif à mille détails, le tout sans avoir l'air d'y toucher, et en gardant flegme et sourire en toutes circonstances, à telle enseigne que nous autres formateurs pouvons parfois avoir l'impression (…trompeuse !) de battre certains records dans la catégorie "exercice d'équilibriste se trouvant dans des situations pas possibles".
Mais gardons la tête froide…

Fort heureusement, il existe certaines occasions qui peuvent contribuer à nous remettre la tête à l'heure et les pendules sur les épaules. Ce fut tout récemment mon cas lorsque j'entrai (un peu par hasard) dans la lecture d'un roman policier passionnant, écrit (…et fort bien !) par une certaine Catherine Fournol, personne ayant exercé (à l'image de son héroïne) la profession de …guide conférencier !
Ah, cette fois-ci, me dis-je au gré des événements et des tranches de vie rapportés par la narratrice, nous évoluons là dans un registre somme toute assez proche de nous autres les formateurs, et ceci à bien des égards : obligation morale, que dis-je, injonction de susciter à tout prix et par tous les moyens l'intérêt, sinon l'adhésion d'une groupe d'adultes, lesquels ont payé pour une prestation, et entendent en avoir pour leurs espèces sonnantes et trébuchantes. Tout ceci se déroulant en parallèle avec toutes sortes d'interactions, bisbilles et autres chicaneries qui ne manquent jamais d'advenir avec quelque groupe humain que ce soit lorsqu'il est rassemblé dans la durée…
Cette similitude me tarabustait à tel point que j'ai fini par me mettre en tête de retrouver la trace de cette auteure à l'expérience si singulière (…pour ne rien dire de son imagination !), afin de lui demander de bien vouloir venir nous expliquer en quelques mots dans ce blog en quoi consiste cette tâche, mais aussi ce qu'elle requiert comme compétences, savoir-faire et surtout savoirs-être, et enfin de bien vouloir nous livrer quelques exemples de choses qui peuvent arriver en pareilles circonstances, et auxquelles on ne s'attendrait pas le moins du monde. Car je vous fiche mon billet qu'il y en a forcément.
Comme je le lui ai dit sans détour, le résultat a dépassé de loin mes espérances. Aussi, sans plus tarder, je lui laisse bien volontiers la parole :
Témoignage de Catherine Fournol, auteure et guide conférencière...
C'est vrai qu'il existe des similitudes entre le métier de formateur (que je découvre à travers le témoignage de Bernard) et celui de guide que j'exerçais il y a quelques années.
La première mission d'un guide est de conduire son groupe à bon port. Un minimum de préparation avec cartes et plans s'impose, ainsi qu'un minimum de sens de l'orientation... Toutes les déviations, travaux et autres routes barrées sont en effet susceptibles de ruiner l´organisation de journées au timing si serré que le moindre grain de sable peut les dérégler.
Le temps : mon obsession majeure.

Avaler les kilomètres (parfois plusieurs centaines dans la journée), être à l'heure pour les visites préréservées ou au restaurant. (Là, c'était presque facile....mes clients étaient rarement en retard pour les repas... parfois même, il y avait, disons un peu de bousculade pour l'installation à table...).
Ma formation en histoire de l'art fut un atout très précieux pour m'aider à mener à bien une autre partie de ma mission: transmettre des informations culturelles, historiques et géographiques concernant les contrées traversées.
Baroudeuse tous terrains… et organisée

Naturellement, il fallait préparer une base de commentaires. J'utilisais pour cela des fiches bristol que je complétais de détails pratiques sur le terrain. C'était très lourd... Il faut bien garder en tête le côté itinérant de ce métier....cela me plaisait d ailleurs beaucoup, mais j'imagine qu'aujourd'hui, l'outil internet a dû faciliter les choses. N'oublions pas qu'à l'époque je ne disposais pas de téléphone portable pour prévenir d'un éventuel retard, et si j'avais bel et bien par devers moi les coordonnées de mes différents prestataires, je devais à chaque fois attendre de trouver un téléphone fixe pour les prévenir ! Improvisation et débrouillardise devaient figurer en bonne place dans mes valises.
Telle une bergère comptant ses moutons…

Tout comme dans le métier de formateur, la disponibilité et l'adaptabilité s'avèrent nécessaires pour conduire l'élément humain. Une autre de mes obsessions restait le comptage permanent de mes ouailles : je les comptais et recomptais sans cesse, à chaque entrée de monument, à chaque changement de lieu…
La plupart du temps, mon public, composé pour l'essentiel de retraités, attendait de ma part une assistance sans faille pour diverses questions pratiques : traduction de phrases simples, où trouver une pharmacie, dire à la voisine que sa clim étais trop forte, ou qu'il fallait fermer le rideau, et tant pis pour le paysage...
Dans ces petits conflits, j'ai remarqué très tôt que moins je m en mêlais et plus vite cela se réglait, de même, si un individu par trop "râleur" perturbait parfois le groupe, il finissait toujours par se retrouver à l'écart et les choses se résolvaient souvent d'elles-mêmes.
Erreur fatale de débutant

Par contre j ai commis une erreur au début : Un jour où le programme le permettait, j'ai demandé à mes clients de choisir entre plusieurs options de visite....et alors là ! Impossible de se mettre d'accord... j'ai dû trancher. Ceci a engendré colère et frustration chez un certain nombre de participants, créant une ambiance particulièrement plombée, et qui a perduré pendant une bonne partie du séjour.
J'ai ainsi compris qu'en pareil cas il était nettement plus approprié de ma part d'imposer mon choix en la matière, et que je devais garder mes doutes et hésitations pour moi, ceci afin d éviter tout flottement. Sans doute en va-t-il de même pour les situations de formation…
Moment particulièrement délicat : l'arrivée à l'hôtel
Le soir venu, l'arrivée à l'hôtel, à quoi s'ajoutait la fatigue de la journée, cristallisait souvent les problèmes. J'avais droit aux récriminations les plus insensées sur le confort ou la taille des chambres... J'étais bien en peine de résoudre de tels problèmes... Une fois, on m'a même mise en demeure de changer une ampoule qui ne fonctionnait pas !
Heureusement, la plupart du temps, les choses s'aplanissaient dès que l'on passait à table. En effet, surtout en ce qui concerne les groupes de touristes français, une bonne table reste une valeur sûre, et je ne crois pas me tromper en pensant que c'est aussi un élément positif dans certains séminaires de formation.
Dernière anecdote

J'ai déjà évoqué ma peur obsessionnelle d'oublier un client... Eh bien, figurez-vous qu'un jour c'est moi qui me suis retrouvée au bord de la route !
Ce jour-là, nous nous trouvions à San Remo, en Italie, où nous avions affrété un bus à double étage. Les passagers étaient installés en haut, tandis que la cabine du chauffeur et le guide se trouvaient en bas, au ras de la route (c'est d'ailleurs assez impressionnant !). Au moment de partir, il manquait deux personnes, et je suis aussitôt partie à leur recherche.
Quand je reviens, cinq minutes plus tard... plus de bus ! Immédiatement, je réalise que toutes mes affaires sont restées à l'intérieur, et que je suis sans argent, sans papiers pour passer la frontière, ni pour rentrer à mon hôtel à Nice ! …Quant aux téléphones portables, ils ne sont pas encore chose courante...
Heureusement, je me trouve dans une gare routière, j'explique donc mon histoire à un employé italien qui se "gondole" de rire de voir la "guida" ainsi oubliée. Fort heureusement, il accepte de me faire monter à titre gracieux à bord d'un bus de ligne qui part sur Nice quelques minutes plus tard.
Autre coup de chance : les contrôles d'identité à la frontière sont plutôt rares et je peux arriver sans encombre jusqu'à Nice. Mais arrivée à l'hôtel, je ne trouve… personne ! J'attends donc, quelque peu anxieuse…
Enfin, mes clients finissent par arriver, ainsi que les explications : Quand les deux retardataires étaient arrivées dans le car, les autres clients ont cru que je me trouvais déjà dans le bus, en bas, quant au chauffeur, il a cru de son côté que je me trouvais à l'étage, en train de papoter...
Par la suite, quand les uns et les autres se sont enfin rendus compte de mon absence, ils ont pris le parti de faire demi-tour à une sortie d'autoroute et sont revenus au point de départ (la gare routière).
Une dame est même allée faire brûler un cierge aux pieds d'une statue, dans l'église la plus proche (était-ce Sainte Rita, la patronne des cas désespérés ?) En tout cas, les voyageurs étaient très inquiets, me sachant sans rien. Finalement, les retrouvailles furent des plus chaleureuses et cette aventure – pas banale – est devenue source de rires et de plaisanteries durables.

Catherine Fournol a été notamment guide conférencier en Auvergne, spécialiste en histoire de l'Art, et auteure de romans policiers…
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Le Petit Abécédaire...

"Un ouvrage bien documenté, écrit par quelqu'un qui sait de quoi il parle et qui le fait avec clarté humour et éthique. Les exemples et les conseils sont judicieux et très utiles. Je le recommanderai avec plaisir.."
Josiane de Saint Paul
Quel livre ! Un travail de moine. D'une grande originalité. J'ai à peine commencé à le parcourir et, déjà, je le savoure. Je vais d'ailleurs continuer à le déguster lentement. Bravo !
Serge Marquis
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