Un peu d'histoire...
Mihály Csíkszentmihályi (né le 29 septembre 1934 à Fiume, Croatie) est un psychologue hongrois, tenant d'une conception humaniste de la créativité. Il a émigré aux États-Unis à l'âge de 22 ans et est actuellement professeur à l'Université de Claremont en Californie. Il est communément reconnu comme étant le véritable "découvreur" du flow.
Dans son oeuvre fondatrice (1975 :"Beyond Boredom and Anxiety: Experiencing Flow in Work and Play", San Francisco: Jossey-Bass, ISBN 0-87589-261-2), Mihály Csíkszentmihályi présente sa théorie selon laquelle les individus sont les plus heureux lorsqu'ils sont dans un état de concentration ou d'absorption complète dans une activité, état qu'il qualifie de flow (d'autres auteurs parleront plus tard de "détente concentrée", ou encore "d'attention détendue").
Juillet 1997 : P. Novak et Donna L. Hoffman, tous deux chercheurs au Département « eLabs » de l’ Owen Graduate School of Management (Vanderbilt University) de Nashville (USA) ont utilisé eux aussi le concept de « flow ».
Sous nos latitudes, ce concept a été notamment repris et développé par Guillaume Denis[1] dans une thèse intitulée « Jeux vidéo éducatifs et motivation : application à l’enseignement du jazz ». Selon ses propres termes, lorsqu’on parle de « flow », il s’agit de…
[…] l’état d’un individu pleinement investi dans le présent, qui oriente l’ensemble de ses facultés sensorielles, mentales et motrices vers l’accomplissement d’une activité bien précise. Donnons-en quelques exemples : le sportif dans un pic de performance, le soliste de jazz pendant une improvisation, le joueur de flipper sur le point de débloquer un bonus, le moine bouddhiste en pleine méditation, le lecteur et son imagination qu’une description ou une révélation viennent stimuler, le joueur d’´échecs concentré, le rappeur qui invente son flow (!) de paroles au fur et à mesure qu’il le déclame…
Comment définir le flux ?
Le "flux" est un état émotionnel qui apparaît quand on fait ce qu'on aime vraiment faire. Bien entendu, cela fluctue énormément d'une personne à l'autre, selon que vous aimez jouer du piano, être avec votre meilleur ami, ou peut-être travailler ?
Lorsque vous regardez la télévision, vous êtes peut-être sans même le savoir "dans le flux"... uniquement si vous êtes en train de regarder un programme que vous avez vraiment envie de regarder, et que vous en retirez quelque-chose.
Certaines personnes savent "se mettre dans le flux" spontanément, et sans aucun conseil, mais hélas beaucoup d'autres ont plus de difficultés.
Quel rapport avec les jeux vidéo ?
Nous avons tous remarqué à quel point les joueurs de jeux vidéos peuvent être "accros" à leur passion au point d'avoir parfois du mal à "lâcher les manettes" (parfois même à un point alarmant, mais là n'est pas le sujet). Ce phénomène s'explique d'autant mieux lorsque l'on sait que les concepteurs s'efforcent de maintenir un juste équilibre entre les compétences nécessaires (agilité, rapidité...) d'une part, et les buts à atteindre (défis) d'autre part, en faisant constamment varier la difficulté du jeu "en direct" pour s'efforcer de maintenir le joueur en état de "flow", comme le montre le schéma suivant :
Le flux apparaît (et se maintient) lorsque compétence et défi sont l'un et l'autre sollicités.
Les sept signes du "flux" selon Mihaly Csikszentmihalyi
Nous savons que sommes "dans le flux" lorsque….
- Nous sommes complètement impliqués – concentrés dans ce que nous sommes en train de faire
- Nous ressentons un sentiment d'extase – impression d'être complètement en dehors de la réalité quotidienne
- Nous ressentons une grande clarté intérieure – une impression de savoir ce qui doit être fait, et comment nous devons le faire
- Nous avons conscience de ce que l'activité est "faisable" – et que nos compétences sont appropriées pour cette tâche
- Nous ressentons un sentiment de sérénité – pas de soucis sur soi, au contraire : un sentiment de plus en plus au-delà des frontières de l'ego
- Nous avons une sensation d'intemporalité – complètement concentré sur le présent, les heures nous semblent des minutes
- Notre motivation est intrinsèque – tout ce qui produit du "flux" devient sa propre récompense.
Comment déclencher le flux lorsqu'on enseigne ?
Malheureusement le le flux ne se décrète pas ! A mon humble avis, cela commence par la passion de celui qui transmet. Je suis certain que si vous essayez de vous remémorer des enseignants qui ont marqué positivement votre enfance, vous retrouverez des gens passionnants, précisément parce que passionnés. En même temps, il existe hélas des passionnés totalement soporifiques ! Cela s'est vu... Tentons donc un complément de réponse : en plus de votre "aptitude à la passion", vous aurez sans nul doute plus de chances de créer du flux si vous avez la faculté de "sentir" si vous êtes en train de capter l'attention de votre auditoire, ou si au contraire vous parlez dans le vide (il est regrettable que tant de "parleurs dans le vide" ne soient même pas conscients de ce simple fait). Cette faculté n'est pas simple à cultiver, mais vous aurez plus de chances d'y parvenir si vous considérez qu'elle est importante pour la qualité de votre enseignement et que vous êtes décidé(e) à progresser dans cette voie. Tous les camelots et vendeurs de foire savent très bien faire cela !
J'ai utilisé à dessein cette comparaison quelque peu provocatrice pour illustrer le fait que – bien évidemment – il ne suffit pas de faire un numéro de cirque pour faire passer quelque-chose... Ainsi, il est indispensable d'organiser au cours de votre intervention (que ce soit en face-à-face ou dans le cadre d'un apprentissage en e-learning) un certain nombre d'activités susceptibles de permettre à vos apprenants de participer activement à ce qui est en train de de passer et, partant, de leur permettre de construire par eux-mêmes leurs connaissances...
C'est ce que préconisent John Biggs et Marcel Lebrun, si nous voulons devenir ce qu'ils appellent des enseignants de niveau 3 (bigre !).
Pour en savoir plus :
Ouvrages de Mihaly Csikszentmihalyi :
- "Flow : the psychology of optimal experience". – 1990 (traduit en français sous le titre "Vivre : la psychologie du bonheur" – 2006, chez Robert Laffont )
- "Beyond Boredom and Anxiety: Experiencing Flow in Work and Play" – 1975, San Francisco: Jossey-Bass. ISBN 0-87589-261-2
Cette histoire a été intégralement publiée dans un livre de conseils aux formateurs intitulé « Construire et animer une session de formation » paru aux éditions DUNOD.
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Le Petit Abécédaire...
"Un ouvrage bien documenté, écrit par quelqu'un qui sait de quoi il parle et qui le fait avec clarté humour et éthique. Les exemples et les conseils sont judicieux et très utiles. Je le recommanderai avec plaisir.."
Josiane de Saint Paul
Quel livre ! Un travail de moine. D'une grande originalité. J'ai à peine commencé à le parcourir et, déjà, je le savoure. Je vais d'ailleurs continuer à le déguster lentement. Bravo !
Serge Marquis
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