La relation d'aide peut-elle et doit-elle être une affaire de formateurs ?
Quand on pense à la relation d'aide, les professions les plus souvent citées sont celles de conseiller d’orientation, infirmier, psychoéducateur, psychologue, psychothérapeute ou travailleur social. Les professionnels du champ de l'enseignement ou de la formation, eux, sont beaucoup plus rarement cités.
Pourtant il y a (à mes yeux) largement matière à… du moins pour une partie d'entre nous autre formateurs, dans une très large part de notre activité.
Une façon innovante de mettre en œuvre l’aide psychologique
Le psychothérapeute Thierry Tournebise propose une nouvelle approche de la communication interpersonnelle, ainsi qu'une façon innovante d’envisager et de mettre en œuvre l’aide psychologique.
Auteur de nombreux ouvrages, ce monsieur a également créé le site maieusthesie.com, une ressource à laquelle je me réfère assez souvent. Une véritable mine d'informations, pour tout vous dire.
Exemple d'une personne hospitalisée exprimant (auprès d'un soignant) sa peur d'aller faire un examen.
Dans un article consacré à la relation d'aide, Thierry Tournebise nous présente l'histoire suivante :
Un patient redoute d’aller faire un examen, soit par peur de l’examen, soit par peur du résultat. Il l’exprime, il a besoin qu’on entende sa peur. Or les soignants chercheront souvent à calmer sa peur… mais pas à l’entendre et à la reconnaître. Le patient se sentira nié dans ses propos et dans ses ressentis. Il peut même finir par se trouver ridicule d’avoir peur (se culpabiliser). Il disait sa peur « spécialement pour » qu’on reconnaisse sa peur et pour ne pas se sentir seul avec ce qu’il ressent… En reconnaissant sa peur, on ne la lui aurait pas enlevée, mais il se serait senti compris, moins seul et sécurisé.
Ce qui est difficile à concevoir, c’est que la validation de la peur est plus apaisante pour le patient que toute tentative de la lui enlever [1].
Le rapport avec le domaine de la formation
Je vous ai déjà parlé des peurs du formateur et de celles du participant à une session de formation [2]. Et vous connaissez sans doute la métaphore du caillou : Lors de la construction d'un bâtiment, vous pouvez investir dans le meilleur équipement de plomberie, installé par les meilleurs spécialistes, il n’en reste pas moins vrai que si un caillou bouche le tuyau en amont, l’eau ne coulera pas !
De même, lors d'une session de formation, si les peurs des participants sont trop prégnantes, tous les efforts "pédagogiques" que vous pourrez déployer autour du sujet à traiter risquent fort d'être vains. Nombre d'entre vous le savent déjà parfaitement, mais être conscient de cette peur ne suffit pas à régler le problème. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, toute attitude consistant à vouloir effacer, ou même minimiser ces peurs-là peut revenir à les nier, carrément ! Et donc se révéler complètement contre-productive.
Souvenez-vous des "mots magiques"...
Un de mes quatre "mots magiques" préférés (ou expressions magiques, si vous préférez) est "Je comprends". Je lui ai même consacré un article. Ainsi, si dans vos tentatives de rassurer vos participants sur l'air de "[...] Vous allez voir, tout va bien se passer", vous avez la présence d'esprit de commencer par leur préciser que vous comprenez leur appréhension, vous aurez beaucoup plus de chances de faire mouche !
En matière de conclusion
On ne peut pas imaginer former qui que ce soit à quoi que ce soit si la personne à former est prise dans un entrelacs de doutes ou de peurs.
Un formateur n'est certainement pas un thérapeute, la distinction est d'importance. En revanche, s'il perçoit une peur, il peut, et même doit la prendre en compte s'il veut être efficace dans sa mission de transmission.
Un formateur "Ponce Pilate" qui (en pareil cas) détourne le regard de ces questions-là au prétexte "qu'il (ou elle) est là pour transmettre un contenu, et non pour sonder les reins et les cœurs" est à peu près sûr d'une chose : son "contenu" ne sera probablement ni mémorisé, ni intégré, ni exploité.
Mais un formateur "sauveur" qui pousse l'empathie jusqu'à vouloir à tout prix effacer la peur chez l'autre ratera lui aussi sa cible, s'il ne prend pas auparavant la précaution de valider la peur en question. C'est d'ailleurs le cas pour toutes les autres émotions désagréables.
Autant de choses qu'il peut être bon d'avoir à l'esprit... Puisse cet article vous y avoir aidé, si peu que ce soit.
Cette histoire a été reprise (sous un angle légèrement différent) par son auteur dans un livre de conseils aux formateurs intitulé « Construire et animer une session de formation » paru aux éditions DUNOD.
Notes
1 : site www.maieusthesie.com, Thierry TOURNEBISE, psychothérapeute.
2 : Et si le formateur ne m'aime pas ?... Et si j'ai l'air bête de ne pas savoir certaines choses ?... Et si je n'étais pas assez intelligent pour comprendre ?... Et si je ne retiens pas tout ?... Et si j'arrive à faire ou à comprendre tout ce qu'il faut lorsque je suis ici, mais que je me retrouve incapable de mettre tout ceci en pratique par la suite ? Et si mes faiblesses apparaissent et que les autres participants me jugent mal ?... Et si ma hiérarchie demande par la suite au formateur comment ça s'est passé avec moi ?... [ source : Construire et animer une session de formation ].
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Le Petit Abécédaire...
"Un ouvrage bien documenté, écrit par quelqu'un qui sait de quoi il parle et qui le fait avec clarté humour et éthique. Les exemples et les conseils sont judicieux et très utiles. Je le recommanderai avec plaisir.."
Josiane de Saint Paul
Quel livre ! Un travail de moine. D'une grande originalité. J'ai à peine commencé à le parcourir et, déjà, je le savoure. Je vais d'ailleurs continuer à le déguster lentement. Bravo !
Serge Marquis
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