Aujourd'hui nous étudions ce mot (ou plutôt cette expression) magique : "J'ai besoin"
Voyons pourquoi on ne le prononce pas forcément assez… comme tous les autres mots magiques, d'ailleurs…
Un article précédent, nous a montré à quel point le simple mot "Pardon" pouvait nous être bénéfique. Aujourd'hui, avant d'aborder un autre "mot magique", nous commencerons par étudier non pas comment dire ce joli mot ("Pardon"), mais comment... l'entendre 🙂
Comment recevoir un "pardon" ?
« L’insensé ne pardonne ni n’oublie, le naïf pardonne et oublie, le sage pardonne mais n’oublie pas» (Thomas Saltz)
Notre dernier article portait sur un des quatre mots "magiques" que nous n'utilisons pas assez, à savoir le mot "Pardon". Or, une fois de plus, il ne suffit pas de savoir prononcer ce mot… mais aussi y réagir d'une manière appropriée ! En effet, sauf cas extrême, choisir d'accepter – ou de refuser – des excuses n'a rien de simple ni d'évident a priori.
Refus du pardon ou rancune tenace ?...
Le refus du pardon peut avoir plusieurs explications, qui tournent le plus souvent autour d'un ou plusieurs des points suivants :
Le refus d'admettre nos propres responsabilités :
Il se peut que nous ayons investi inconsidérément sur une personne alors que celle-ci n’était pas prête (ou tout simplement pas en attente) pour ce type de relation…
La résonance avec une situation/une personne de notre passé :
Lorsque nous sommes nous-même surpris par la violence de nos propres sentiments en pareil cas, il y a tout lieu de se demander si inconsciemment nous n'assimilons pas notre "coupable de service" à une figure importante de notre passé (le plus souvent, un membre de notre famille). L'intensité et la persistance de notre rancune sont alors le révélateur d’une situation antérieure qui, n’ayant pas été résolue, a laissé en nous des traces, voire des cicatrices qui par la suite se rouvrent à la moindre activation.
Une difficulté à faire le deuil d'une croyance fortement enracinée en nous :
Dans ce cas, il peut y avoir un blocage autour de l'idée que nous nous faisons de notre modèle de vie. Nous avons peut-être fait nôtre une affirmation du style : "La fidélité suppose de ne jamais être en conflit.", ou encore "Un ami se doit d'être présent dans tous les moments extrêmes – les meilleurs comme les pires"… Prisonnier de ce diktat intérieur, nous refusons alors de voir – lorsqu'ils surgissent – les signes annonciateurs d’un problème et, dans les cas extrêmes, nous préférons parfois tomber dans…
…Le déni :
Il s'agit du refus, parfois même de l'incapacité à accepter la réalité telle qu'elle est. Alors, quand l’autre commet un acte qui ne va pas dans le sens de nos valeurs, l’édifice que l’on croyait stable s’effondre brutalement. Nos émotions partent en tout sens, nous sommes en totale perte de repères… et le pardon peut alors se révéler impossible.
Je me souviens d'une personne qui me disait "J'ai des insomnies à cause de ce qu'on m'a fait... et encore plus lorsque je me dis (au cours desdites insomnies) que celui qui m'a causé du tort, lui, dort probablement bien mieux que moi". Et effectivement, cette personne n'a pu retrouver le sommeil le jour où elle a "réussi à pardonner", ce qui est loin d'aller de soi… et qui aurait tout aussi bien pu ne jamais arriver !
Le pardon a quelque-chose de paradoxal. Mais après tout, le monde est-il autre chose qu'un gigantesque paradoxe ?
Depuis la nuit des temps, les hommes, malgré leurs meilleures intentions, ne réussissent pas à faire la paix et ne cessent de se détruire mutuellement. C'est en substance ce qu'a écrit Lewis B. Smedes, éthicien, théologien et auteur d'un livre de référence sur le sujet *
Pour lui, le pardon est avant tout une décision, un choix personnel. C'est aussi un acte tourné vers l'autre… mais aussi vers soi-même. Vivre en harmonie – lorsque l'on y parvient – est en effet bien meilleur pour la santé qu’entretenir de l’amertume et du ressentiment.
Pardonner ne signifie ni oublier, ni absoudre…
– Que devrais-je faire selon vous ? Mark hésita quelques instants, conscient de la réaction hostile qu’il allait provoquer chez l’adolescente. – Pardonner. – Non ! Je ne veux pas pardonner ! se révolta la jeune fille. Je ne veux pas oublier ! Pardonner ne veut pas dire oublier, expliqua-t-il posément, ni excuser, ni absoudre. A l’inverse de la vengeance qui alimente la haine, le pardon nous délivre d’elle.
Guillaume Musso, Parce que je t’aime, Pocket, page 241
La littérature fourmille d'explications sur ce subtil distinguo. Une illustration des plus abouties se trouve dans doute dans cet article écrit par Denis Morissette, éducateur, thérapeute et conférencier invité dans de nombreux pays.
Si d'aventure vous êtes vous-même témoin d'une incapacité à pardonner
Dites-vous que ce n'est probablement pas le bon moment pour la personne, soyez très prudent dans vos paroles, et surtout ne forcez pas les choses. Et souvenez-vous que tirer sur la tige d'une fleur ne l'a jamais aidée à pousser...
Quoi qu'il en soit, souvenons-nous que malgré la souffrance et la douleur, le pardon est en définitive non pas la meilleure manière de nous en sortir, mais bel et bien... la seule! Même si le chemin ne va pas de soi…
Le mot magique du jour : "J'ai besoin".
Oui, je sais, certains esprits chagrins me feront remarquer que, gna gna gna, dans "J'ai besoin" il y a deux mots. Aussi, laissez-moi préciser deux choses :
- Si on dit "J'ai besoin" dans une autre langue (l'espagnol par exemple) ça peut ne prendre qu'un seul mot... voilà qui me suffit à considérer la locution "j'ai besoin" comme un mot magique, et je vous invite à en faire autant 🙂
- Autant vous y faire tout de suite, le prochain "mot" que nous étudierons en comportera deux lui aussi !
La puissance du "J'ai besoin"
Le "J'ai besoin" a ceci d'extraordinairement efficace qu'il laisse entièrement à l'autre la possibilité d'accéder – ou pas ! – à mon besoin. Du coup, chacun se sent entièrement libre d'accepter ou de refuser !
Petit rappel sur les besoins
Force est de constater que souvent, en matière de besoins, nous avons tendance à amalgamer tout et n'importe quoi. Ainsi, nous confondons allègrement les aspirations, les besoins, les caprices, les désirs, les droits, les envies, les goûts, les manques, les nécessités, les objectifs, les préférences, les pulsions, les rêves et que sais-je encore…
En fait, la plupart des dictionnaires nous informent qu'un besoin est tout simplement une chose qui nous est nécessaire, voire indispensable. Ainsi, lorsque j'exprime un besoin, je n'exprime pas une demande ! Excusez du peu, mais la nuance est de taille.
Une bonne nouvelle pour vous
Vous allez jubiler : il se trouve qu'une des choses que nous trouvons les plus gratifiantes au monde est tout simplement d'assouvir( ...ou de contribuer à) des besoins ! Tout simplement parce que c’est pour nous tous une façon de "servir à quelque chose au-delà de nous-mêmes" qui nous apporte des satisfactions gigantesques, incomparables. Non, ne vous y trompez pas : les être humains ne sont pas seulement égoïstes, intéressés, froids et calculateurs ! Ou tout au moins, ils ne le sont pas tout le temps ! Ne vous laissez pas envahir par les sirènes du "Pire ça va pire c'est"... Pensez plutôt à l'essor spectaculaire des phénomènes tels que le crowfunding, l'humanitaire, l'open source ou que sais-je encore ! Et retenez bien ceci : c'est précisément lorsque les gens (vous, moi...) ne se sentent pas obligés en quoi que ce soit qu'ils peuvent donner le meilleur d'eux-mêmes ! Et, croyez-moi, souvent, ils le font!
Attention, après votre "j'ai besoin..." il faut un "...de", et non pas un "...que"!
Ne vous laissez pas influencer par le tyran inconscient qui sommeille en vous : Si vous dites à quelqu'un "J'ai besoin que tu fasses ceci ou cela...", ce vous exprimez en réalité est une demande. Je n'ai rien contre les demandes, mais ce n'est pas la même chose ! Un véritable besoin est en fait un besoin de. De quoi ? ...eh bien de tout ce que vous voulez... de calme, de temps, d'aide, que sais-je encore ?...
Un bon truc pour ne pas se tromper : Après les mots "J'ai besoin que..." il y a en réalité toujours une stratégie, et non pas un besoin. Pour déceler vos vrais besoins, essayer de dire "J'ai UN besoin de"... et voyez si ça colle.
Un petit coup de CNV ?...
En particulier, soyez très vigilant sur le point suivant : nous confondons particulièrement nos besoins et nos envies. Pour avoir une idée plus claire de ce que sont nos besoins, nos envies, de comment fonctionne une demande, et tant d'autres concepts utiles en la matière je ne saurais que trop vous recommander des vous documenter sur les techniques de Communication NonViolente (NonViolente en un seul mot), ou encore CNV (nous en avons d'ailleurs abondamment parlé dans ces colonnes).
Un témoignage personnel
Lorsque dans une salle de formation j'ai besoin de l'aide d'un ou de plusieurs de mes participants pour des questions de logistique toute bête, je ne formule jamais mon besoin en termes de "Alors... là il me faudrait un volontaire pour...", type de formulation que je trouve particulièrement infantilisant, et à la limite du jeu psychologique...
En lieu et place, je prends bien soin (en fait non, c'est plutôt devenu un réflexe) de dire tout simplement "J'ai besoin de...", et je vous assure que jamais il ne m'est arrivé de rester bredouille ! Et quand cela serait, eh bien qu'importe, je pense être en mesure d'enchaîner par une phrase du style "Ah... nous voilà dans une situation bien singulière... Qu'en pensez-vous ?..." Ensuite de quoi, nous gérerions la situation en adultes.
Pour finir
Décidément, c'est fou comme nous avons souvent tendance à nous faire des noeuds au cerveau à partir de petites choses toute simples... Ayons donc le courage d'assumer nos besoins, puis de les exprimer en tant que tels. Vous serez surpris du résultat, je vous le garantis.
Et vous, qu'en pensez-vous ? Dites-vous facilement "J'ai besoin"?, avez-vous un point de vue différent sur la question ? Je serais ravi de recueillir vois témoignages. Mieux : J'ai très envie de m'améliorer sur ce sujet, et pour atteindre cet objectif, j'ai besoin de vos témoignages 🙂
Cet article fait partie du dossier "Le 4 mots magiques".
Sommaire complet du dossier :
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Le Petit Abécédaire...
"Un ouvrage bien documenté, écrit par quelqu'un qui sait de quoi il parle et qui le fait avec clarté humour et éthique. Les exemples et les conseils sont judicieux et très utiles. Je le recommanderai avec plaisir.."
Josiane de Saint Paul
Quel livre ! Un travail de moine. D'une grande originalité. J'ai à peine commencé à le parcourir et, déjà, je le savoure. Je vais d'ailleurs continuer à le déguster lentement. Bravo !
Serge Marquis
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