Sommaire :
Les toutes premières IA "à la papa"…
Eliza, le premier chatbot
Quand les IA deviennent "génératives"…
Et aujourd'hui…
Alors : l'IA, opportunité ou menace ?
Les professions qui se sentent les plus menacées…
Zoom sur une profession : les traducteurs
Ce qu'on peut déduire de tout cela…
Dans quelle mesure va-t-il y avoir un raz de marée social ?
Que dira-t-on demain ?...
Un peu de baume au cœur…
Les possibilités de fraude
Très bonne béquille, mais très mauvaise prothèse…
Sondage pour chiens : "Êtes-vous pour ou contre les puces ? …"
L'intelligence artificielle (IA) est de plus en plus présente dans notre vie quotidienne, et son impact (sur l'emploi, notamment) est un sujet de préoccupation pour beaucoup d'entre nous. Certains craignent que l'automatisation et la robotisation ne conduisent à des pertes massives d'emplois, tandis que d'autres y voient une opportunité pour améliorer l'efficacité et la productivité des entreprises, créant ainsi de nouveaux emplois à plus ou moins long terme. Dans cet article, nous tâchons d'y voir plus clair…
Les toutes premières IA "à la papa"…
Depuis la nuit des temps, l'homme cherche à reproduire, ou tout au moins à "singer" l'intelligence. Au cours des années 1950, les développements de l'informatique ont permis aux chercheurs de créer des algorithmes de base pour la reconnaissance de motifs et la résolution de problèmes. Ainsi que des systèmes de base de connaissances. Cependant, les ordinateurs de l'époque n'étaient pas suffisamment puissants pour réaliser des tâches complexes. C'est ce qui a (pendant un temps) quelque peu freiné le développement de l'IA.
Eliza, le premier chatbot
De 1964 à 1966, le programme Eliza, créé par Joseph Weizenbaum (informaticien américain) fut l'un des premiers exemples de ce qu'on appelle aujourd'hui un chatbot, ou robot conversationnel. Il a été initialement développé pour aider les psychologues à comprendre les patients. Notamment sur leur communication avec les thérapeutes lors des séances. Le programme fonctionnait en posant des questions à l'utilisateur. Il analysait ensuite les réponses à l'aide de modèles de langage pour répondre de manière appropriée.
Le succès d'Eliza a été énorme, en grande partie en raison de sa capacité à donner l'impression de comprendre et de répondre à la conversation de manière pertinente. Ceci alors même qu''il n'avait aucune compréhension réelle de la signification de ce qui était dit par l'opérateur. De nombreux utilisateurs ont été étonnés par ce programme, qui est considéré aujourd'hui comme un exemple précoce de l'interaction entre l'homme et l'ordinateur.
Mais pendant très longtemps, l'IA restera cantonnée à des tâches spécifiques, dans un contexte assez limité (comme la reconnaissance de caractères ou la détection d'images).
Quand les IA deviennent "génératives"…
Les années 70 voient l'émergence de ce qu'on appelle l'intelligence artificielle générative (ou GAI pour "Generative Artificial Intelligence" en anglais). Cette nouvelle branche vise à la création de modèles informatiques capables de générer des données de manière autonome, sans intervention humaine directe.
C'est ainsi qu'à partir des années 1980, on a pu assister à l'émergence de "l'apprentissage profond", avec de nouvelles techniques telles que les réseaux de neurones récurrents et convolutifs (premiers systèmes informatiques directement inspirés du modèle d'organisation d'un cerveau humain... oui, effectivement, dit comme ça, ça fait un peu froid dans le dos 🙂 ). Ce qui permettra des avancées significatives dans la génération de texte, d'images et de musique.
Mais c'est au cours de ces toutes dernières années que l'intelligence artificielle générative a connu un essor spectaculaire, avec l'avènement de modèles de langage pré-entraînés tels que GPT-3 de OpenAI (connu sous le nom de ChatGPT), ainsi que des modèles de génération d'images tels que StyleGAN de NVIDIA, ou plus récemment de MidJourney. Ces modèles ont ouvert la voie à de nouvelles applications. Citons la génération de contenu artistique, la création de jeux vidéo, la synthèse de voix ou la production de musique.
L'une des caractéristiques clés d'une Intelligence Artificielle Générative est sa capacité à apprendre à partir de données existantes pour créer de nouvelles données originales.
Et aujourd'hui…
Aujourd'hui, les applications de l'IA sont de plus en plus nombreuses et variées. Elle est en effet utilisée dans des domaines tels que la création d'art et de musique, la génération de scripts pour des jeux vidéo et des films. On peut ajouter la conception de vêtements et d'objets, la simulation de comportements humains... Même la création de nouveaux médicaments ! La liste s'agrandit chaque jour…
Alors : l'IA, opportunité ou menace ?
Les professions qui se sentent les plus menacées…
Voici une liste (non exhaustive) de professions qui sont impactées de près ou de loin par l'utilisation de l'IA, et qui peuvent, à tort ou à raison, se sentir menacées :
- Les employés de bureau : les technologies de reconnaissance optique de caractères (OCR) peuvent aider à automatiser les tâches administratives, telles que la numérisation et la classification de documents, ce qui pourrait réduire le besoin en employés de bureau.
- Les opérateurs de centres d'appels : les chatbots et les assistants virtuels peuvent répondre à certaines demandes de renseignements et de support client, ce qui peut réduire le besoin d'opérateurs humains en centres d'appels.
- Les personnels de l'édition : les logiciels d'édition automatisée peuvent aider à éditer et à corriger les erreurs dans les textes, mais aussi à les améliorer, ce qui pourrait réduire le besoin d'éditeurs humains.
- Les comptables : les logiciels de comptabilité automatisés peuvent aider à générer des documents comptables ou financiers, ce qui pourrait réduire le besoin en comptables humains.
- Les agents immobiliers : l'IA peut aider à automatiser la recherche de biens immobiliers et à fournir des évaluations immobilières plus précises...
- Les professionnels du marketing : les technologies de marketing automatisé peuvent aider à cibler les publicités et à suivre les comportements des clients, ce qui pourrait réduire le besoin de professionnels du marketing humains.
- Les professions juridiques : l'IA peut aider à automatiser certaines tâches juridiques, telles que la recherche de précédents, la rédaction de documents juridiques et l'analyse des risques juridiques. Cela pourrait réduire le besoin de professionnels du juridique humains pour certaines tâches (…mais pourrait toutefois créer de nouvelles opportunités d'emploi dans le domaine de l'IA juridique).
- Les chauffeurs livreurs : avec l'essor de la voiture autonome, certains craignent que les camions autonomes ne remplacent les chauffeurs livreurs à l'avenir.
- Les ouvriers d'usine : plus que jamais, les robots industriels peuvent effectuer des tâches de fabrication et de montage, ce qui pourrait réduire encore davantage les besoins en ouvriers humains.
D'autres professions qui peuvent être impactées par l'IA comprennent les métiers de la finance, tels que les analystes financiers et les courtiers. Idem pour les enseignants, les journalistes, les écrivains, ainsi que les travailleurs de la santé, tels que les radiologues et les pathologistes (qui font le lien entre le diagnostic et le "clinique"). Cependant, comme pour toutes les professions, l'impact de l'IA sur ces métiers peut varier en fonction de la manière dont elle est utilisée et des compétences spécifiques des professionnels concernés.
Zoom sur une profession : les traducteurs
Les organisations et entreprises qui vivent (en tout ou en partie) des prestations de traduction constituent à nos yeux un excellent terrain d'étude, car elles ont intégré depuis plusieurs années déjà les techniques de l'IA, et peuvent témoigner, avec déjà un certain recul, de leur impact, notamment sur le plan social.
Il faut bien garder à l'esprit que les technologies de traduction automatique (telles que Google Translate) sont de plus en plus avancées et peuvent déjà fournir des traductions de haute qualité dans de nombreuses langues. Du coup, la plupart des traducteurs humains ont fini par intégrer ces outils-là dans leur environnement de travail, ce qui leur permet de gagner énormément de temps en productivité. J'ai eu l'idée d'interroger un de mes amis qui travaille dans ce milieu. Voilà en substance sa réaction :
"Au début, il fallait passer du temps sur la plupart des textes traduits par l'IA, car ils nécessitaient de nombreuses corrections humaines. De ce fait, le gain de temps était loin d'être évident. Mais au fil du temps, le système s'est considérablement amélioré. Force nous est de constater qu'aujourd'hui ces programmes nous rendent infiniment plus productifs.
Bien que l'intervention des traducteurs humains reste essentielle pour les traductions complexes et de haute qualité, dont certaines nécessitent une compréhension approfondie du contexte et de la culture, nous sommes bien obligés de nous rendre à l'évidence : L'IA a considérablement réduit le besoin en traducteurs humains pour certaines tâches plus simples. Du coup, seuls les meilleurs (ou les plus chanceux) d'entre nous sont restés en poste. Quant aux autres, ils se sont (dans le meilleur des cas) repliés vers d'autres activités".
Ce qu'on peut déduire de tout cela…
On peut facilement imaginer que d'autres domaines d'activité connaîtront (...connaissent déjà) des mutations comparables. Ainsi, l'intelligence artificielle suscite tout à la fois des espoirs et des craintes quant à son impact sur la société. D'une part, elle offre de nombreuses opportunités dans des activités et domaines de plus en plus étendus. En effet, elle peut aider à résoudre des problèmes complexes, à améliorer l'efficacité et la précision des processus, et à créer de nouveaux produits et services innovants.
Mais l'IA soulève aussi des questions éthiques, juridiques et sociales, non seulement pour ce qui concerne l'emploi (comme nous venons de le voir), mais aussi la vie privée, la sécurité et la responsabilité. De vives préoccupations concernent notamment la substitution des travailleurs humains par des robots, mais également la surveillance de masse et le contrôle des individus. Sans parler de la prolifération des possibilités de désinformation et de manipulation.
On le voit, l'IA présente à la fois des opportunités et des risques, et il est essentiel pour tout un chacun de savoir se positionner pour trouver son propre équilibre, sa propre voie de passage entre les deux.
Dans quelle mesure va-t-il y avoir un raz de marée social ?
Toute l'histoire de l'humanité nous le montre : à chaque fois qu'on essaie d'extrapoler le futur (et, a fortiori, notre propre destin) à partir d'une nouveauté technologique, à chaque fois qu'on tente d'en imaginer les conséquences futures, nous sommes le plus souvent "à côté de la plaque". Et c'est bien compréhensible, car il y a toujours des éléments extérieurs, impondérables, qui par la suite interviennent, parfois dans une direction dommageable, effectivement. Mais parfois il y a aussi des répercussions inattendues et bénéfiques… Cela étant, sur le moment, quand la nouveauté nous tombe dessus, ces répercussions positives peuvent être difficiles à envisager, et c'est bien compréhensible.
Que dira-t-on demain ?...
Au début de l'imprimerie, on entendait dire que les gens ne se parleraient plus.
…Puis il y a eu la photo et l'on s'est dit que l'art allait disparaître.
…La télévision, quand elle est arrivée, devait supprimer notre conscience...
…Et Internet éradiquer la télé et la presse écrite d'un seul coup. Rien de moins !
Aujourd'hui on accuse l'intelligence artificielle de vouloir penser à notre place...
Voilà un petit texte (d'origine hélas perdue) qui donne à réfléchir… Essayons de pousser le bouchon un peu plus loin…
Un peu de baume au cœur…
Si d'aventure vous vous sentez d'humeur "catastrophée" à la lecture du présent article, je vous suggère de visionner cette vidéo, intitulée "Ces changements qui font peur". Elle nous relate toute une série de "catastrophes" (ou ressenties comme telles) survenues dans l'histoire de l'humanité. Curieusement, chacune de ces "catastrophes" a connu, contre toute attente, des répercussions positives qui étaient totalement imprévisibles sur le moment. De quoi vous mettre (je l'espère), un peu de baume au cœur, tout en vous donnant matière à réfléchir sur le thème "Le pire n'est jamais sûr" :
En complément à cette vidéo, on consultera avec profit ce texte de Jacques Ellul (1912-1994), historien du droit, sociologue et théologien protestant libertaire français :
Réflexions sur l’ambivalence du progrès technique
Les possibilités de fraude
On a beaucoup glosé, récemment, sur les possibilités de fraudes rendues possibles par l'utilisation d'outils comme ChatGPT pour des travaux d'élèves ou d'étudiants, tant ce système était à même de produire des résultats pour le moins crédibles, et parfois même tout à fait honorables, dans certains contextes.
Mais l'expérience a vite montré que, tout comme le recours massif à Wikipédia dans les années 2000, ce genre de subterfuge s'est révélé catastrophique pour ceux qui, sans réflexion aucune, se contentent d'un "copier-coller" en se fiant aveuglément au système, et ceci sans aucun recul quant au résultat obtenu (que, dans de nombreux cas, ils ne consultent même pas). Le stratagème, en pareil cas, a de grandes chances de leur exploser tôt ou tard à la figure [1]… En revanche, pour ceux qui ont de bonnes capacités de jugement, d'analyse et de synthèse, cela peut significativement booster leur performance, du moins s'ils utilisent ces outils avec mesure, vigilance et parcimonie. Ainsi l'IA pourrait, à son corps défendant, constituer un facteur supplémentaire d'aggravation des inégalités sociales…
Très bonne béquille, mais très mauvaise prothèse…
Une personne fort avisée a déclaré un jour que les émotions sont de très bons auxiliaires, mais de très mauvais maîtres…
De la même façon, il me paraît prudent de considérer l'IA comme une béquille (qui nous aide dans nos mouvements), et surtout pas comme une prothèse (qui remplace un de nos organes).
Je me souviens qu'un de mes amis a affirmé un jour qu'il ne faut surtout pas s'inquiéter à propos de l'intelligence artificielle, car, disait-il, "…elle n'arrivera jamais à la cheville de la sottise humaine".
À la réflexion, je crois bien qu'il avait employé un autre mot que "sottise"… 🙂
Sondage pour chiens : "Êtes-vous pour ou contre les puces ? …"
Personne n'aurait l'idée de demander à un chien de se prononcer sur la question de savoir s'il est pour ou contre les puces. En fait, nos amis à quatre pattes doivent juste apprendre à vivre avec !
De la même façon, les prises de bec entre "pro" et "anti" IA sont forcément stériles et ne mènent à rien de concret.
Il est nettement plus productif de se préoccuper de la question de savoir quelles mesures nous pouvons prendre (individuellement et collectivement) pour nous préparer à un monde où – qu'on le veuille ou non – l'IA est déjà omniprésente.
[1] Ne serait-ce que pour une raison toute bête : en effet, les textes ainsi générés ne contiennent… aucune faute d'orthographe !
Dans la même série : Comment modifier les couleurs de Chrome ?
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Le Petit Abécédaire...
"Un ouvrage bien documenté, écrit par quelqu'un qui sait de quoi il parle et qui le fait avec clarté humour et éthique. Les exemples et les conseils sont judicieux et très utiles. Je le recommanderai avec plaisir.."
Josiane de Saint Paul
Quel livre ! Un travail de moine. D'une grande originalité. J'ai à peine commencé à le parcourir et, déjà, je le savoure. Je vais d'ailleurs continuer à le déguster lentement. Bravo !
Serge Marquis
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